2024-03-24
Bekar, ce rappeur plus fort que les autres
Eloi Fauvarque
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"J'étais meilleur quand j'croyais qu'j'étais nul, quand j'captais pas qu'j'les étaignais, sans faire d'effort j'étais béni." Unique, Bekar
Bekar, c’est ce jeune rappeur de 26 ans venu tout droit du Nord de la France qui est devenu, en seulement quelques années, l’un des meilleurs rappeurs de sa génération...
Perso, je le découvre en 2019. À l’époque, il vient de sortir son deuxième projet “Briques Rouges” qui comptabilise déjà plusieurs millions de streams. Flows chantés, couplets super bien kickés, rimes techniques et paroles profondes, le mec sait tout faire. Je suis choqué. J’ai alors l’impression de découvrir un rappeur qui a pop tout seul, sans aucunes galères. Le mec arrive et nous déballe juste son talent, oklm. Mais vous vous en doutez, ça serait trop simple… Aucun rappeur n’arrive à ce niveau de virtuosité technique sans être passé par un entraînement sans relâche et un parcours du combattant semé d'embûches. Revenons ensemble sur l’histoire du jeune B.E, ce rappeur…plus fort que les autres…
“J’viens d’là où ça parle le catalan” Opinel, Bekar
Bekar, de son vrai nom Alexandre Becquart, né le 8 janvier 1998, à Madrid (Espagne). Ses parents déménagent ensuite à Villeneuve-d'Ascq puis à Roubaix, petite commune située près de Lille, alors que le jeune Alexandre est âgé de 7 ans. C’est dans ces quartiers, peuplés de maisons et d’appartements construits en briques rouges, que le jeune homme va passer la majorité de son enfance. Issu de la classe moyenne, Alexandre grandit dans un environnement hostile où l’éternelle confrontation entre la police et “les jeunes de banlieues” fait rage. Il reviendra d’ailleurs sur ce passé tumultueux dans plusieurs de ses morceaux. “Un flic a tiré sur un p’tit cette nuit sur le boulevard en face.” Briques rouges, (time code : 0 min 30)
Plongé dans l'univers musical par le biais de ses amis, sa rencontre avec le rap se fait à l’âge de 15 ans. Le jeune B.E se découvre alors une véritable passion pour l’écriture, et passe la majorité de son temps au studio à écrire et à enregistrer des sons (ou dans les squats de Roubaix à faire du skateboard). Bekar s’entraîne de plus en plus, notamment avec son ami Sto, et progresse rapidement, très rapidement. Il se fait également de nombreux contacts avec qui il collabore, et termine finalement par rencontrer un beatmaker/producteur qui marquera un tournant pour le reste de sa carrière. Ce dernier n’est autre que Lucci, un gars du Nord lui aussi, avec qui il liera une amitié sans failles qui dure encore aujourd’hui. Les parents de Bekar, eux, voient cette nouvelle passion de leur fils pour la musique comme un hobby qui lui passera avec le temps.
De son côté, le jeune rebelle, lui, commence des études de graphisme mais se rend rapidement compte que le système universitaire n’est pas du tout fait pour lui. Bekar se retrouve alors au moment pivot de sa vie. Mais si, vous savez : ce moment que nous rencontrons tous un jour ou l’autre et qui fait basculer notre existence pour le restant de nos jours (#nopression mdr, en vrai c’est toujours pour le mieux vous en faîtes pas les reufs). Un choix, deux options. Continuer à se faire ch*er dans ses études mais s’assurer une sécurité (#diplôme) ou foncer à 200% dans une passion qui l’anime et le transporte. Le jeune fougueux ne se pose alors pas 10 000 questions. Il est talentueux, et il le sait. C’est parti pour se la buter au rap et sortir un premier projet. Après des mois de studio, des heures de charbon, à bosser ses textes, à retravailler ses morceaux, à changer de prod pour finalement revenir sur celle de départ (RIP Lucci), etc… Nous sommes le 22 mars 2019, et le premier projet musical de Bekar, Boréal, sort enfin.
Le projet est audacieux et plein de promesses. Directement, on sent deux choses. Premièrement, la dalle d’un jeune homme qui a envie de tout niq*er pour rendre fier et rassurer ses proches. Deuxièmement, la passion d’un féru de rap. Le mec s’est tué au hip-hop et ça s’entend. Poussé par des influences comme l’Entourage, 1995, ou encore plus récent Panama bende et Lesram (ces mecs ont vraiment inspiré toute une génération ptn), le jeune B.E livre un 1er projet super clean. On notera également que les différents titres du projet sont très bien produits (s/o Lucci encore une fois). Le rappeur roubaisien pose ainsi la toute première pierre de son édifice. Quelques mois après, il signera chez Panenka, label où figure déjà des grandes pointures comme Georgio, PLK ou encore la chanteuse Yoa. L’acharnement du jeune artiste a payé. Sa carrière est lancée...
En septembre 2020, ça enchaîne direct ! Le rappeur sort la mixtape “Brique rouges”, faisant allusion aux matériaux utilisés pour construire les maisons du Nord de la France. Dans ce projet, Bekar nous confirme encore qu’il est trop fort, un point c’est tout. Dès l’intro du projet avec le morceau “B.E”, ce dernier nous dévoile son amour pour l’écriture et le rap mi-kické, mi-chantonné. Sa jeunesse, ses problèmes de confiance en lui, les difficultés auxquelles il a dû faire face, en quelques lignes on cerne le discours de Bekar et on entre dans l’intimité de ce mec touchant. Tout le reste de l’album reprend cette même formule gagnante. L’alliance d’un rap hyper technique qui l’habite depuis qu’il a découvert le mouvement hip-hop à 15 ans, et des refrains chantés qui lui permettent de nous livrer sa peine et ses douleurs.
En 18 titres, Bekar nous livre ainsi l’essence même de ce qui constituera le reste de sa carrière. Un projet complet, du bon rap technique comme on aime et des mélodies entraînantes qui restent en tête. Bref, avec cette mixtape, le rappeur alors âgé de 22 ans nous prouve qu’il mérite amplement sa place dans ce foutu rap game…
Mes morceaux préférés de "Briques Rouges" :
"Et même si demain ça marche j'ai trop peu confiance en moi, j'pourrais pas changer demain." (time code : 0 min 57)
Après ces deux premiers projets livrés à quelques mois d’intervalles, le jeune B.E a besoin d’une pause pour se ressourcer et se ré-approprier son art. Ce dernier laisse alors passer une année et revient en 2021 avec un nouvel EP, Mira, (qui sera complété par Sierra le 8 avril 2022, le tout formant le projet Mirasierra).
Bon je vais pas commencer à faire le fin connaisseur et tout, je n’ai pas écouté le projet en entier. Je sais qu’il y a de très bon morceaux sur l’album, mais pour moi, 2022 a été une période où toute la new wave commençait à débarquer et j’étais totalement immergé dans ces nouveaux rookies qui allaient littéralement tout ba*ser (s/o La Fève, Malo, NeS, Luther, Selug, Rouhnaa, etc…)
En ré-écoutant le projet pour cet article, j’ai établis 2 constats. Un, franchement ce mec est impressionnant. En l’espace de 3 ans, le gars a pris le niveau d’un rappeur confirmé de 30 piges (alors qu’il en a que 24). Deuxièmement, (et ça ça va moins plaire aux fans de ce projet mdr), je kiffe le délire de Bekar et tout, mais je trouve que c’est parfois un tout petit peu calculé. En fait, le mec a très bien compris les codes du rap, ce qui marche, ce qui marche pas, et c’est donc de façon millimétrée qu’il nous livre projet sur projet. Du coup, je trouve que ça manque peut-être parfois un tout petit peu d'originalité et de nouvelles tentatives/expériences. Je ne lui demande pas de nous sortir une voix déraillée à la Koba ou de chuchoter dans son micro en mode Megatron, mais une petite prise de risque pour sortir du lot de cette masse de nouveaux (bons) rappeurs qu’on se mange chaque week-end serait très appréciée.
Mais bon après tout, on l’aime ce fichu rap, oui ou non ? Si un mec kiffe ça et qu’il le fait super bien, pourquoi est-ce qu' il s’en priverait ? Le hip-hop a assez été dénigré comme ça pendant des années pour qu' on commence à faire des reproches a quelqu'un qui sait bien le pratiquer non ? Nous venons à peine de célébrer la démocratisation et la victoire du rap (pour rappel le rap est devenu en 2017 le genre musical le plus écouté en France), alors célébrons-le ensemble, me*de ! Un grand bravo à Bekar pour ce magnifique projet qui regroupe tout de même de bons morceaux comme "La branche", "59 dB", "Un matelas sur le sol" ou encore "Opinel”.
En Mars 2023, Bekar revient plus fort qu’avant avec son tout premier album, “Plus fort que l’orage”. Dès l’intro, “A minuit”, on ressent que le rappeur essaie de se détacher un peu des “codes du rap” qui l’ont construit. Les grands passionnés de musique auront reconnu l’air de “Dream on” du célèbre groupe Aerosmith, qui a sans doute influencé le rappeur qui avouera dans certaines interviews avoir écouté du rock dans sa jeunesse (notamment le groupe Razorlight donc il reprendra le nom dans la track 9 du projet). Avec ce projet, Bekar revient selon moi à ce qui avait fait son succès au début de l’année 2020. Des chansons supers efficaces et facilement reprenables en concert par son public comme “Tristesse” et “Fisheye” en featuring avec PLK, des sons plus intimistes je pense aux deux morceaux “Les secondes” et “Razorlight”; et comme toujours du bon rap kické avec “Entre 4 murs” et “fichier/tnf.mp3” (morceau dans lequel le rappeur s’amuse littéralement avec ses potes du Nord, ça fait plaisir !!).
Enfin, il y a seulement une semaine à la date où j’écris cet article, Bekar vient de sortir une nouvelle édition de son album, intitulée “Plus fort”. Et là encore, le rappeur nous régale bordel !! Dès l’intro, j’ai compris que ça y est… le jeune B.E s’est définitivement trouvé. Il ne fait plus du rap comme tout le monde, mais il fait du Bekar. On reconnaît également ses morceaux par les prods composées par Myth Syzer et Lucci (le mec est toujours là, vraie amitié prenez-en de la graine). Avec le premier morceau du projet intitulé “Quelqu'un”, Bekar nous emmène loin dans les nuages en nous racontant un voyage, un récit, son histoire.
Les gars, limite on dirait un album posthume je vous jure, trop d’émotions. “Il manquerait plus qu’j’devienne quelqu’un”. Bekar nous fait part de son envie de rester fidèle à lui-même malgré le succès. Un regard vers l’arrière, le jeune homme se rappelle aussi de ses années d’errance, et du chemin parcouru pour en arriver jusque-là. Il en profite également pour balancer une petite pique aux rappeurs actuels. "Ils font plein d'feats parce qu'ils ont la flemme du 2e couplet" (il a pas tord en vrai, le nombre de feat cette année j'en peux plus, rappez tout seul un peu là mdr). Je ne vais pas vous détailler tous les sons de l’album, mais le projet est bon, vraiment ! On retrouve notamment deux supers featuring. Le rappeur de Clamart, SDM, sur un morceau chantonné, et Lesram pour un son plus kické avec “5.9.3”.
Mes morceaux préférés de la nouvelle édition "Plus fort" :
"Si j'étais au clair avec moi-même j'en aurais jamais dit autant" (time code : 0 min 37)
Auteur de 4 projets depuis 2019, Bekar s’est déjà énormément livré à travers ses différents morceaux. Ce qui fait son succès je pense, c'est sa proximité avec ses fans et la capacité de ce dernier à prendre les conseils de son public pour ajuster le tir à chaque nouveau projet, tout en restant fidèle à sa ligne de conduite. Je pense aussi que c’est ce qui nous permet de nous sentir aussi proche de lui et de sa musique. Nous l’avions déjà abordé dans l’article “Les Meilleurs Morceaux Fleuves du Rap (2014-2024)”, mais la “mise à nue d’un rappeur” face à son public est primordiale pour créer une connexion avec ses fans. De ses rêves de devenir rappeur, à ses talents pour le dessin, jusqu'à ses relations conflictuelles entre ses parents (“Papa vit bien, maman gagne moins d’1200”, Hoodie), Bekar se livre totalement dans ses paroles, et se présente à son public comme un livre ouvert ! Chapeau l’artiste…
De notre côté, on attend fort les prochains projets du jeune rappeur du Nord ! En espérant qu’il continuera de nous livrer des bons albums de rap, concocté grâce à sa formule magique dont lui seul à le secret !
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